Edward J. Nixon

Producteur de disques et ingénieur du son
Edward est un ingénieur du son, producteur de disques, professeur honoraire et conférencier, lauréat de plusieurs GRAMMY®. Edward a contribué à façonner le son luxueux du groupe de musique The J.U.S.T.I.C.E League sur la scène R&B et Hip-Hop des années deux mille vingt, en contribuant à des succès classiques pour le Maybach Music Group de Rick Ross et , et bien d'autres encore.

Interview

Edward, comment êtes-vous devenu ingénieur du son et producteur ?

J'ai grandi dans le Lake District, en Angleterre, à la campagne, et j'ai été fasciné par le rap, d'abord par la dance music, puis par la rave music, un genre et une culture très populaires dans le nord de l'Angleterre et en Écosse. C'est une culture très rave, alors que Londres et le sud de l'Angleterre étaient très orientés vers les groupes et bien sûr beaucoup d'autres choses à l'époque, mais c'est ce qui m'a conduit à la musique rap. Mais encore une fois, je vivais à la campagne, donc je n'avais pas accès à tout cela. À l'époque le son du nord de l'Angleterre, pour moi et mes amis, c'était surtout de la rave music, de l'acid house et de la house music. Ce n'était pas vraiment axé sur la voix. Mais au fur et à mesure que cela disparaissait, je me suis rendu compte qu'une grande partie des samples utilisés provenaient du rap, en particulier pour la drum & bass, et que tous les trucs les plus lourds étaient des sortes de rap accéléré en termes de batterie... C'est l'une des choses qui m'a le plus marquée. Mais encore une fois, étant dans la région des lacs, j'étais loin de toute ville ou de tout son industriel, ou toute chose en lien avec la musique rap de l'époque qui provenait principalement des grandes villes et c'est toujours le cas. Je n'avais aucune relation directe, je n'étais qu'un admirateur lointain. Mais ce qui m'intéressait le plus, c'était les histoires racontées dans le rap.

L'audio a toujours été une chose visuelle pour moi. Enfant, j'écoutais toujours de la musique les yeux fermés dans le bus, sur le chemin de l'école, et les gens me disaient : "Pourquoi as-tu les yeux fermés ? Ils pensaient que je dormais, mais j'avais disparu dans le monde de l'artiste, et je voulais me sentir immergé. En y repensant, les disques que j'aimais avaient toujours un son particulier qui tendait à être des mondes en 3D dans lesquels vous pouviez entrer et explorer et où vous aviez l'impression d'être avec eux.

J'avais 26 ans lorsque je suis entrée à l'université de Birmingham, en Angleterre, et 30 ans lorsque j'ai obtenu mon diplôme. J'avais postulé auprès de nombreux studios en Angleterre pour obtenir un stage ou simplement mettre un pied dans la porte, mais je n'ai jamais eu de réponse. J'ai alors décidé d'aller à Atlanta. Tous les disques que j'écoutais étaient produits à Atlanta. J'ai donc dit à ma fiancée de l'époque - aujourd'hui ma femme - "donne-moi un an et rien ne se concrétise, je reviendrai, j'arrêterai la musique - je ne sais pas si j'étais vraiment sincère - et je trouverai un travail et une carrière". J'ai donc pris un vol et je suis resté dans un motel. Je me suis rendu dans tous les studios tous les jours, jusqu'à ce que l'un d'entre eux me donne enfin l'occasion d'entrer pour faire le ménage, les balances et répondre au téléphone. Un jour, une équipe de production - appelée "J.U.S.T.I.C.E League" - dont j'ai fait ensuite partie, a eu besoin de quelqu'un pour enregistrer une section de cordes et une section de cuivres pour une chanson. Ils ont supposé que, étant anglais, c'était ce que j'aurais enregistré en grandissant ou ce que j'aurais fait à l'université. Je me suis présenté pour le faire. Je suis entré dans le studio, et il y avait Rick Ross, Erykah Badu, Jadakiss et T.I., et c'était manifestement un disque énorme. Soudain, j'ai commencé à enregistrer. C'était une expérience incroyable qui m'a amené à rester aux États-Unis pendant sept ans.

Quelle importance attachez-vous à la qualité sonore ?

Le studio est un drôle d'endroit. On hérite d'un studio. À moins que vous ne l'ayez choisi, vous arrivez dans un nouveau studio et le temps que vous vous y fassiez, vous l'avez quitté. On a pas le temps suffisant dans un lieu pour vraiment en prendre la mesure. Alors qu'avec sa propre cabine... c'est aussi pourquoi je pense que la musique est mieux faite lorsque tout le monde est dans la même pièce. Pas nécessairement dans une seule pièce. Mais les gens se tiennent les uns à côté des autres, et la magie peut opérer dans ces conditions. Je pense que j'ai redécouvert tout cela en ayant ma propre pièce, en étant capable de vraiment la connaître et d'y progresser, je peux faire en sorte qu'elle soit la meilleure possible.

Un disque ne sonnera jamais mieux que dans le lieu où il a été enregistré. L'écoute dans beaucoup de studio dans lesquels j'ai travaillé n'était pas du tout précise. Tout est important : la pièce et l'acoustique, le DAC, les convertisseurs A/N, puis les enceintes. Et enfin, dernière chose, il faut du temps, pour se familiariser, pour apprendre l'espace. Je pense que beaucoup d'enregistrements sont réalisés dans des conditions qui ne sont pas bonnes à la base. C'est pourquoi quand vous y regardez de près, vous voyez la réalité de l'enregistrement. Il y a des disques que j'ai pourtant vraiment aimés. Je les écoute dans mon studio maintenant et je me demande pourquoi ils ont fait ça ? Pourquoi le son est si mauvais ? Le plus souvent, c'est parce que les ingénieurs travaillent dans des cabines qui ne sont pas précises. C'est comme se battre dans l'obscurité. Vous pouvez avoir de la chance, mais vous pouvez aussi vous casser la gueule.

La musique de milieu des années 90 a été pour moi le summum du son. Pour la qualité du son, pas musicalement parlant. Il y avait les meilleurs studios. Beaucoup d'albums ont été réalisés dans un même endroit. Tout l'album. Les mêmes ingénieurs apprenaient à travailler dans la même salle jour après jour pendant vingt ans. Aujourd'hui, dans une chanson que je travaille, le piano n'est qu'un échantillon mal samplé, provenant d'internet, c'est-à-dire un Mp3. Et je fais rejouer le morceau parce que le Mp3 est inutilisable. Je pense qu'une fois que des applications comme la vôtre se démocratiseront, que les écouteurs et que tout le reste s'améliorera, nous reviendrons à ce qui est important. Et les choses s'améliorent. Toutes ces petites différences sont la raison pour laquelle des labels, comme des chansons, seront oubliées. Mais quand il sera aussi facile d'avoir une meilleure qualité, les gens voudront la meilleure qualité.
Au cours des vingt dernières années, nous avons essayé d'atteindre une cible mouvante. La cible a bougé tout le temps. Et elle ne s'est pas toujours améliorée, comme nous l'avons vu avec le Mp3, ce n'était pas pour avoir une meilleure qualité, c'était pour que les business men puissent continuer d'avancer. J'ai donc l'impression que nous avons reculé pour mieux repartir de l'avant. Nous ne faisons pas de la musique pour les maisons de disques. Nous le faisons pour nous. Nous avons un marché de la musique axé sur l'art, et ce sont ces disques qui restent à jamais dans les mémoires. Et puis il y a l'industrie de la musique dirigée par les gens qui font de la musique une entreprise commerciale, et ce sont les disques qui se vendent et disparaissent. Ces projets prennent beaucoup de temps aux meilleurs mixeurs. Parce qu'ils sont populaires, ils se vendent beaucoup, puis disparaissent. Les mixeurs sont occupés à faire les choses rapidement avec des gens qui ont l'intention de vendre leur produit. Mais ils ont une idée géniale. Ils ne savent pas nécessairement chanter ou bien jouer, mais on peut le faire avec des outils et des réglages, etc. Par conséquent, une grande partie de l'ingénierie consiste à fabriquer une performance plutôt qu'à en capturer une. Les moments les plus heureux de ma carrière d'ingénieur sont ceux où je capte un son et où je le façonne pour qu'il soit aussi parfait que possible. Je ne vais pas peindre une image de vous qui n'est pas la vôtre. Le son doit vous ressembler, comme lorsque vous vous regardez dans le miroir.

"Je pense que c'est ainsi que je résumerais les choses : votre lecteur est le premier en qui je peux avoir confiance."

Avez-vous une préférence pour l'audio analogique ou numérique ?

Je ne suis pas un fan du numérique. Pas à cause de la qualité du son aujourd'hui, parce que je pense que certains traitements numériques peuvent être incroyables. Peut-il rivaliser avec l'analogique ? Entre les bonnes mains, oui, et même le surpasser selon qui le manipule. Je me souviens des débuts du numérique et je pensais que le son était absolument horrible. Et c'était le cas ! J'avais l'habitude de dire que ce n'est pas parce que vous avez un scalpel que vous êtes un chirurgien. C'était une façon arrogante de le dire, mais je voulais dire que la musique peut devenir très banalisée, et l'est devenue dans de nombreux genres, parce qu'avec la technologie on peut changer les choses un million de fois. L'analogique n'était pas comme ça. Il fallait faire les choses bien du premier coup. Et on ne pouvait pas dire "on va corriger ça plus tard", ce qui va occuper quelqu'un à faire ça au lieu de sculpter le son. Dans les projet qu'on reçoit, il faut passer 90% du temps à réparer ce qui aurait dû être fait dès le départ, et il ne reste que 10 % pour faire ce que vous savez faire. Je suis donc pour le numérique et l'analogique, et j'utilise les deux, mais j'utilise surtout l'analogique maintenant.

Continuez-vous à écouter de la musique pour le plaisir ou pour vous amuser ?

Quand j'étais enfant, j'aimais beaucoup la musique. En fait, c'était l'un de mes seuls plaisirs dans la vie. À l'université, j'aimais toujours la musique, mais j'étais influencé par ce qui était populaire. Et j'ai continué à explorer, mais c'était principalement un seul genre, le rap. Au cours des sept dernières années, je me suis dit : "En fait, j'aime le jazz, j'aime le rock et j'aime toujours la danse music". Mes horizons se sont donc élargis et c'est grâce à cela que j'ai recommencé à apprécier la musique. Lorsque vous êtes dans un studio tous les jours pendant seize heures, à travailler constamment sur de la musique, vous n'avez pas vraiment le temps d'écouter des nouveautés, de retrouver des classiques, d'apprécier la musique.

Lorsque j'ai commencé à explorer les services de streaming, je me suis demandé pourquoi quelqu'un irait écouter du streaming ? À quoi ça sert ? Parce que c'est très dégradé. Quand Tidal est arrivé, c'était au moment où je travaillais avec Roc Nation. Là, je me suis dit : "OK, je comprends où on va". On va peut-être avoir une qualité supérieure à celle d'un CD. J'écoute de la musique en streaming pour trois raisons : d'abord pour l'apprécier, ce qui est le plus important. Ensuite pour m'inspirer d'un son ou d'un accord que j'entends, que je veux disséquer et je veux savoir ce que c'est. Avec mon réseau, je contacte souvent le studio et je dis : "Hé, vous avez enregistré ceci, pourriez-vous me mettre en contact avec l'ingénieur du son qui l'a enregistré ? J'aimerais discuter avec lui". Et je leur demande. La guitare rythmique, comment a-t-elle été enregistrée ? Vous en souvenez-vous ? Il apporte les notes de la session et on a une conversation. Et j'adore ça. Troisièmement, dans la musique rap, j'aime échantillonner la batterie. J'échantillonne une seule grosse caisse, une seule caisse claire. Comme ça en écoutant, j'entends parfois un hi hat isolé qui sonne merveilleusement bien dans une vieille chanson.

Maintenant, à parcourir la musique comme on le faisait. Ca ne remplacera jamais le plaisir d'aller chez un disquaire et de feuilleter les albums comme on le faisait, mais je m'amuse beaucoup à découvrir des échantillons et des choses que je peux utiliser. Ce sont mes usages, et pendant la confinement, je pense que j'ai essayé tous les services, de Spotify à Qobuz, etc. Je n'avais jamais réalisé qu'il existait aussi ce type de service réunissant toutes les fonctions. Je pouvais tout avoir au même endroit, comme c'est le cas aujourd'hui avec Tidal et Qobuz.

Comment avez-vous découvert Audirvāna ?

J'ai cherché quelque chose. J'ai cherché comment avoir plusieurs services de streaming au même endroit. Je crois que j'ai cherché quelque chose comme ça sur Google. Et dans le forum, j'ai vu des commentaires et j'ai réalisé qu'Audirvāna pouvait tout faire. J'en ai essayé deux. Et tous ceux que j'ai trouvés en ligne m'ont dit qu'Audirvāna était le meilleur. J'en ai essayé deux et j'ai eu l'impression - pour une raison ou une autre - que Tidal sonnait mieux à travers votre application que seul. Et j'ai eu trop souvent eu cette impression que le son était meilleur ! J'aime le fait de pouvoir fouiller dans les réglages et de voir exactement ce qui se passe. L'application mise à part, je suis probablement quelqu'un qui ne se soucierait pas de l'apparence ou des caractéristiques de l'appareil. Si le son est le meilleur, je l'utilise ! Et je pense qu'il en va de même pour mon Lynx Hilo qui est mon principal ADAC. Le Hilo est maintenant très vieux. Mais pour moi, il ne change rien au son, et c'est ce qu'un convertisseur DAC devrait faire.

En tant qu'ingénieur, c'est en grande partie une question de confiance. Confiance dans le fait que le câble audio a été soudé correctement et qu'il fonctionne correctement. La première chose que je fais en arrivant au travail est de vérifier les câbles, tous les jours, même s'ils sont en bon état. J'ai un mini niveau à bulle que je place au-dessus de mes enceintes, et je m'assure qu'elles n'ont pas été heurtées ou déplacées afin qu'elles soient parfaitement comme elles devraient l'être. C'est très important, car ce sont des choses qui peuvent nous prendre du temps. Je pense que c'est ainsi que je résumerais les choses : votre lecteur est le premier en qui je peux avoir confiance.

En parlez-vous autour de vous ?

La première chose que je fais lorsque je reçois une chanson contenant un échantillon, c'est de charger Audirvāna, trouver la chanson, jouer les versions et voir si je vais la rééchantillonner moi-même. Si nous recevons un échantillon obtenu sur Youtube, il s'agit d'un mp3, et l'inclure dans la chanson est une tragédie, à moins que vous ne souhaitiez faire sonner le morceau comme s'il provenait de Youtube, si c'est votre objectif. Les choses changent maintenant, je l'ai découvert avec les personnes que j'ai initié à Audirvāna et à Qobuz, et en particulier les personnes qui samplent beaucoup de disques, qui me disaient "je n'arrive pas à trouver une bonne version de ça" et je leur envoyais un lien et ils téléchargeaient votre logiciel, et ils disaient : "Excellent ! C'est parfait". Et je pense que c'est important, même si ce n'est pas un marché énorme en termes de personnes utilisant une application comme la vôtre pour le plaisir, ils l'utilisent en fait pour faire des disques qui seront appréciés par vos auditeurs.

Quelles sont vos passions en dehors de la musique ?

J'ai étudié le kung-fu. J'aime l'aspect technique de cette discipline. Il y a un côté ingénieur qui repousse les limites du possible. Et j'adore ça. Je pense que ma forme physique est liée à l'audio. Je trouve qu'il est très difficile de travailler le détail d'une réponse émotionnelle à un son et de ne pas l'appliquer à toute ma vie une fois la porte du studio passée. Alors oui, en ce qui concerne c'est le fitness, j'aime me dépasser. La remise en forme est donc devenue une chose que je fais tous les jours, comme me brosser les dents. Il y a plusieurs années, j'ai décidé de prendre davantage soin de moi, mais aussi de trouver quelque chose que j'aime faire. Et le fait d'aller à la salle de sport m'aide aussi à me vider la tête.

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